L’art sacré architectural : toute une Ecriture sacrée et une symbolique

Avec une intelligence de la foi remarquable, l’Eglise a su développer avec un grand génie dans l’art sacré architectural toute une Ecriture sacrée et une symbolique. Tout est signifiant dans une église.

Conçu comme un enseignement, l’art religieux est d’abord une écriture sacrée et symbolique répondant à des critères mathématiques : l’orientation, la hiérarchie, la symétrie et les nombres y ont une grande importance. Particulièrement, au Moyen-âge, la représentation des sujets obéissaient à une tradition sacrée qui laissait peu de place à la fantaisie individuelle.

Par ses statues, ses vitraux, ses peintures et sa musique, l’art du Moyen-âge enseigne à l’homme l’histoire du monde depuis sa création, les dogmes du christianisme, les exemples des saints et la hiérarchie des vertus, le tout dans un souci de l’harmonie et du beau.

Les grandes règles symboliques de l’art religieux se perpétueront à travers les siècles : ainsi on a vu que les cathédrales contemporaines, dont l’architecture est souvent audacieuse, seront construite en matériaux modernes en respectant toute une tradition sacrée de la symbolique qui nous vient pour la plupart du Moyen-Age.

Pour citer quelques conventions d’art sacré, on peut donner en exemple :

  • Le nimbe circulaire timbré d’une croix derrière la tête sert à exprimer la divinité : Dieu le Père, Jésus Christ, le Saint Esprit ne seront jamais représentés sans avoir leur tête entourée du nimbe crucifère

Le nimbe circulaire simple sans croix sert à exprimer la sainteté.

  • Une tour percée d’une porte sera une ville ; si un ange veille entre les créneaux, ce sera la Jérusalem céleste

  • La représentation des personnages obéissent à des conventions précises : Saint Pierre aura les cheveux crépus, la barbe fournie et courte et au sommet de la tête une tonsure. Saint Paul aura le front chauve et la barbe longue. La Sainte Vierge portera un voile, symbole de la virginité. Les juifs se reconnaitront à leur bonnet conique.

Il s’est passé pour l’art du Moyen Âge ce qui s’est passé pour le chant grégorien : il évoque quelque chose de très profond, issu d’innombrables générations exprimant leur foi.

Par lui, c’est le génie des siècles chrétiens qui s’expriment.

Le second caractère de l’iconographie du Moyen Age, c’est d’obéir aux règles d’une sorte de mathématiques sacrées.

D’abord l’orientation : toute église est orientée du couchant vers le levant, vers Jérusalem, vers la partie du ciel où le soleil se lève à l’époque des équinoxes.

Les points cardinaux ont leur signification : Le nord qui est la région du froid et de la nuit est consacré à l’Ancien Testament. Le sud que baigne la lumière du soleil au Nouveau Testament.

La façade extérieure est presque toujours réservée au jugement dernier. Au portail du jugement à Notre Dame de Paris, les saints rangés dans les voussures respectent l’ordre suivant : patriarches, prophètes, confesseurs, martyrs, vierges. C’est la même chose pour le chœur des anges situés au-dessus du chœur des saints : séraphins, chérubins, trônes, dominations, vertus, puissances, principautés, archanges, anges.

Sous le socle des grandes statues, il y a un rappel de la création des animaux : Moïse marche sur le veau d’or, Jésus sur l’aspic et le basilic, les anges sur le dragon….

Le Moyen-Age croit que les nombres sont dotés d’une force secrète ; Saint Augustin considère les nombres comme des pensées de Dieu : « La sagesse divine a préposé les nombres à toutes choses, même aux plus infimes » (De libero arbitrio-II.II). Qui sait comprendre les nombres entre dans le plan divin.

Par exemple, douze est le chiffre de l’Eglise universelle ; Jésus a voulu que ses apôtres soient douze. Douze est le produit de trois par quatre ; trois est le chiffre de la Trinité donc de l’âme faite à l’image de Dieu et désigne toutes les choses spirituelles. Quatre c’est le symbole des choses matérielles, du corps, du monde qui résulte des quatre éléments (terre, air, mer, feu). Saint Augustin écrit : « l’année elle-même se divise en quatre saisons différentes : le printemps, l’été, l’automne, l’hiver… L’Écriture fait aussi mention des quatre vents, car l’Evangile, qui est annoncé dans le temps, s’est répandu jusqu’aux quatre points cardinaux, et l’Eglise catholique s’étend jusque dans les quatre parties du monde »

Donc multiplier trois par quatre, c’est dans le sens mystique, pénétrer la matière par l’esprit, établir l’Eglise universelle dont les apôtres sont le symbole.

Le nombre sept est composé du chiffre du corps quatre et de celui de l’âme trois. Il exprime l’union des deux natures. Tout ce qui se rapporte à l’homme est ordonné par des séries de sept. La vie humaine se divise en sept âges. A chaque âge est attachée la pratique d’une des sept vertus. Les sept sacrements nous soutiennent dans l’exercice des sept vertus et nous protègent des sept péchés capitaux.

Le nombre sept exprime donc l’harmonie de l’être humain. En créant le monde en sept jours, Dieu a voulu nous donner la clef de tous ces mystères ; aussi l’Eglise célèbre la grandeur des dessins de Dieu en chantant sept fois par jour ses louanges. Et finalement les sept tons de la musique grégorienne – car le huitième n’est que l’octave – l’analyse sensible de l’ordre universel. Dans le retable d’Esbarres, sept glaives symbolisent les sept douleurs de la Vierge, que sont : la prophétie de Siméon, la fuite en Égypte, la perte de l'Enfant Jésus resté dans le Temple au milieu des Docteurs, le Portement de croix, la Crucifixion, la Descente de croix et la mise au Tombeau.

Dans toutes les grandes œuvres du Moyen-Age, il y a quelque chose de cette symbolique sacrée : La divine comédie de Dante en est l’exemple le plus fameux. On y trouve les neuf cercles de l’enfer, auxquels correspondent les neuf gradins de la montagne du purgatoire et les neuf ciels du paradis. Chacune des parties de cette trilogie est divisée en trente-trois chants en l’honneur des trente-trois années de la vie du Christ.

Les baptistères ont une forme octogonale. Le chiffre huit est le chiffre de la vie nouvelle. Il vient après sept qui marque la limite assignée à la vie de l’homme et à la vie du monde. Huit est comme l’octave en musique : par lui tout recommence. IL est le symbole de la vie nouvelle, de la résurrection finale et de la résurrection anticipée qu’est le baptême. .Saint Ambroise : « C’est sur le nombre huit que doit être bâti l’édifice où se donne le baptême, où le peuple retrouve le salut. »

Selon Saint Augustin, il y a des formes parfaites et des formes imparfaites :

La forme parfaite, c’est la circonférence ; la forme imparfaite, c’est le carré. Le cercle représente la perfection, l’homogénéité, l’absence de distinction ou de division. C’est pour cela qu’il symbolise le temps et le ciel. Le carré lui, et la croix qui en découle symbolisera la terre et l’espace. Le cercle et le carré s’unissent fréquemment pour former un complexe indestructible qui symbolise alors le cosmos, c’est-à-dire le ciel et la terre, cet univers dont Saint Augustin aime souligner qu’il forme un tout inséparable.

Ainsi dans la Sainte Chapelle à Paris, les sculpteurs adossent à douze colonnes douze statues d’apôtres portant à la main des croix de consécration. L’évêque consacrant une église doit marquer celle-ci de douze croix voulant faire entendre par là que les douze apôtres sont les vrais piliers de l’église.

Dans l’art liturgique, tout est symbole et signifiant, la forme y est presque toujours l’enveloppe de l’esprit. L’art liturgique est une écriture, une arithmétique et une symbolique au service de l’enseignement intelligent de l’évangile et la preuve sensible de la Beauté de l’Eglise et du génie de la foi catholique.

Ainsi, nos églises, nos cathédrales et nos monastères sont des veilleurs de spiritualité qui jalonnent nos pays et rappellent que notre civilisation est une civilisation chrétienne dont le socle est constitué des valeurs chrétiennes.